Le marin malin (ou tout simplement, le Malin)


Avec un regard intense et les yeux louchés, il examine l’horizon pour voir les frégates qui lui indiquent où est la grande prise du jour :

« Là-bas ! » crie-t-il joyeusement, dès qu’il les voit.

            Il se dépêche frénétiquement au gouvernail et le saisit de ses mains calleuses qui montrent son dur labeur. Le vrombissement du moteur s’intensifie alors qu’il pousse la commande du gaz se chasse la proie comme un guépard, vite et concentré. Ce n’est pas sa première journée au travail, c’est assuré ; en fait il est pratiquement né sur le bateau, suivant les traces de son père depuis sa naissance. Passant ses jours sous le soleil chaleureux a rendu son teint bronzé et l’océan est comme un miroir, réfléchissant ses yeux azurés.

            Des thons énormes sautent de l’eau cristalline et il sait qu’il arrive au bon endroit. Il est maintenant temps d’agir. Sa canne est déjà préparée et il éteint le moteur pour ne pas faire fuir les poissons en dessous. Il prend sa canne dans les mains, et ses pied marins ont été accoutumés à affronter les lames, prêtes à le déséquilibrer à tout instant. Il fait pivoter la canne et la lance dance la mer sans effort. Puis, il attend, attend et attend.

            Tout à coup, le sifflement perçant de la ligne retentit et en toute hâte, il commence à rouler le moulinet. C’est un combat constant et ardu, mais l’hameçon reste figé, et il ne lâche jamais son gros gibier. Cela fait partie de sa nature : jamais abandonne-t-il une tâche et il va toujours réessayer jusqu’à ce qu’il arrive à la terminer, même s’il y a des revers. Par ailleurs, quand un problème se présente, il est prompt à penser à une solution – ce jeune est plein de ressources.

            Il amène sa prise stratégiquement sur le bateau, faisant attention a la ligne, pour qu’elle ne se casse pas. On voit bien le triomphe dans ses yeux rayonnant et dans son sourire éclatant. Il est content, mais il ne remarque pas tout ce qu’il vient de faire. Il le voit uniquement comme un passe-temps et ne reconnait pas son gros effort. Il oublie le tact, la peine et les dons en se perdant dance ce qu’il aime. Toutes les améliorations sur son bateau sont faites par lui, tout seul. Il peut détendre l’atmosphère n’importe où et faire rigoler n’importe quelle personne, mais malheureusement, il ne prend pas soins de lui-même comme il fait pour les autres.

            Eh bien, la chasse n’est pas terminée – il reste plus de poissons à attraper et il est toujours prêt à profiter de ce que la journée peut lui offrir. Et même s’il tombe sur le bateau, ou que sa ligne de pêche se casse, ou bien si son moteur s’arrête complètement (ce que s’est passé en réalité), cela ne le retarder pas, et il va s’amuser dans tous les cas. Il rapportera sa grande prise du jour chez lui pour tout partager parce que, bizarrement, il n’en mange jamais aucune.

Il n’aime pas le goût de poisson.




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